Face à la crise, la musique classique tente de faire sa révolution culturelle, en abordant d'autres façons de se "vendre", pour toucher de nouveaux publics, inspirées souvent de l'approche de l'univers du rock et des variétés.

Réunis à Cannes (Alpes-maritimes) à l'occasion du 38e MIDEM (Marché international du disque et de l'édition musicale), les professionnels du secteur ont révélé que le disque classique ne représente plus que 4,5% du marché, contre environ 15% au milieu des années 80.

"Certes, nous bénéficions alors de l'explosion du CD, qui avait donné un coup de fouet aux ventes, mais, depuis, la part de marché n'a cessé de reculer", déclare Louis Bricard, président de l'association des Victoires de la musique classique.

"Une crise du disque, qui ne veut pas dire crise de la musique classique", complète Hervé Corre, agent artistique et directeur du programme des concerts du Midem Classique. "Le spectacle vivant n'a jamais été aussi florissant", en témoignent, dit-il, la fréquentation des concerts, le succès des Folles Journées de Nantes, des Flâneries Musicales de Reims etc...

Le disque classique souffre des mêmes maux (piraterie, téléchargement illégal...) que le secteur des musiques actuelles, le rock, la chanson. Difficultés auxquelles s'ajoutent des problèmes plus spécifiques, notamment celui de la distribution. "La disparition des disquaires indépendants (il n'en demeure aujourd'hui plus qu'entre 150 et 200) a considérablement handicapé l'accès au disque classique", explique Louis Bricard, auteur d'un "rapport sur la situation du disque classique" remis lundi à Cannes à Jean-Jacques Aillagon, ministre de la Culture et de la Communication.

Dans celui-ci, l'ex PDG du label "Auvidis" (éditeur d'un des best-sellers du classique, la bande originale du film d'Alain Corneau "Tous les matins du monde", par Jordi Savall, un million d'exemplaires vendus) propose "vingt préconisations pour la survie des disques de musique classique". "Pas de solution miracle, mais un ensemble de micro-solutions pragmatiques" : aide aux petits labels, meilleure place dévolue à la musique classique dans l'éducation, amélioration de son exposition à la radio et à la télévision...

"Nous avons eu tendance à enfermer la musique classique dans un ghetto, la populariser ne veut pas dire la dévaluer", dit Louis Bricard, en avançant comme exemples les succès de Nathalie Dessay, Cecilia Bartoli, Patricia Petibon ou, la saison dernière, les performances de l'ensemble vocal Accentus, qui a vendu 60.000 exemplaires de son album, une performance dans un univers où des ventes à 15.000 unités ont des allures de "tube".

"Le problème avec le classique, c'est qu'il sent souvent un peu trop la naphtaline", ajoute Hervé Corre, pour qui les responsables de la filière classique devraient "avoir une attitude plus rock and roll dans la façon de présenter la musique". "Ce qui, nuance-t-il, ne veut pas dire céder à la démagogie : "ce qui a sauvé le spectacle vivant, c'est qu'il a su aller vers le public, nous gagnerons en nous inspirant du savoir-faire des musiques actuelles, le mélomane d'aujourd'hui n'est plus celui d'il y a 50 ans, la musique classique ne s'arrête pas à Arthur Rubinstein et Herbert Von Karajan : le spectacle vivant se fait par définition avec des artistes vivants, il ne faut pas hésiter à mettre en avant des jeunes artistes en phase avec un public de sa génération, et tant pis si cela froisse les tenants de l'esprit de chapelle".